L’ivermectine, la nouvelle hydroxychloroquine #
Quelques éléments indiquant qu’il n’y a pas plus de raisons de croire en les bienfaits de l’ivermectine (IVM) pour soigner la covid-19 qu’en ceux de l’hydroxychloroquine (HCQ)… et qu’il est peu plausible que cela change.
Les éléments a priori (fiabilité des sources) #
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Un des sites vantant les mérités de l’IVM (https://ivmmeta.com) est un clone de celui vantant les mérites de l’HCQ (https://hcqmeta.com), dont le caractère frauduleux a été montré ( notamment ici);
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La page affirmant que la “méta-analyse” de A. Hill sur l’IVM est sponsorisée par l’OMS se trouve sur un site répertorié pour diffuser des fausses informations;
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L’auteur de la troisième “méta-analyse” sur le sujet, P. Kory, a le soutien de l’AAPS, une association américaine qui dit entre autres que le HIV ne serait pas la cause du SIDA, qu’être gay réduirait l’espérance de vie, … et qui entretient des liens avec le tea party;
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Aucune de ces trois soi-disant méta-analyses n’a été publiée dans une revue à comité de lecture1;
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L’engouement pour l’IVM en Amérique latine fait largement suite à la diffusion d’un papier, maintenant rétracté, cosigné par 3 des auteurs (Patel, Desai et Mehra) de la tristement célèbre étude rétractée sur l’HCQ (cf. ici); Les dégats engendrés par cette désinformation sont notamment répertoriés ici;
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Le seul essai clinique randomisé (ECR) rapportant des résultats en faveur de l’IVM qui a été publié l’a été dans une revue qui a également publié une étude frauduleuse sur l’HCQ (cf. cet article);
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Le seul autre ECR publié à ce jour sur l’IVM comme traitement de la covid-19 rapporte une absence d’effet statistiquement significatif;
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Le site metaevidence.org (développé par le CHU de Lyon et l’Université Lyon 1), qui présente une synthèse des résultats disponibles prenant en compte les risques de biais des différentes études, indique qu’il n’existe pas de résultat concluant quant à l’efficacité de l’IVM à ce jour.
Les éléments de fond (données scientifiques) #
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Les études cliniques sur lesquelles se basent les soi-disant méta-analyses de Kory et Hill ne sont pas fiables, comme cela est expliqué ici, ici et ici. Or, une “méta-analyse” (synthèse statistique) incluant des études à fort risque de biais n’en est pas une - le résultat obtenu est au mieux non fiable, au pire mensonger.
En particulier, quelques exemples des graves manquements/incohérences de l’étude de Elgazzar et al., dont les résultats apparaissent comme les plus favorables dans les synthèses de Hill et de Kory (et constituent l’unique référence de la carte blanche publiée par M. Wathelet à ce sujet dans La Libre du 16/11/20 ), sont donnés ici; -
Le mécanisme d’action proposé pour expliquer l’effet de l’IVM in vitro (et justifier la réalisation d’essais cliniques alors que la phase pré-clinique n’a pas été complétée) apparaît peu convaincant aux yeux de certains spécialistes, cf. ici et ici;
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Des données in vitro indiquent que l’IVM est cytotoxique aux concentrations nécessaires pour atteindre un effet anti-viral, cf. ici et ici. Les résultats sur lesquels se basent ces analyses sont disponibles dans cette base de données ouverte du NIH (colonnes “Sars-Cov-2 cytopathic effect”: effet “anti-viral” en vert, cytotoxicité en rose) ;
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Enfin, des études pharmacocinétiques et pharmacodynamiques suggèrent que pour atteindre les concentrations plasmatiques nécessaires pour reproduire, in vivo, l’effet anti-viral observé in vitro, il faudrait administrer des doses 100 fois plus élevées que celles approuvées chez les humains (cf. ici et ici);
#ivermectine #hcq même combat contre la #covid
— Mathieu Molimard (@MathieuMolimard) December 11, 2020
C’est actif à des doses astronomiques sur le mauvais modèle des cellules vero in vitro et nécessiterait des posologies 100 fois supérieures aux doses maximales administrables chez l’homme https://t.co/tF1lk4K4zq@SFPT_fr https://t.co/LxfBfeGXO2
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Un journal peu fiable (dont de nombreux éditeurs, refusant de publier des articles de qualité scientifique insuffisante, se sont faits remercier) a accepté provisionnellement de publier un article de Kory et al. sur l’IVM, mais visiblement sans lui accorder le titre de “méta-analyse”. Alors que l’article complet n’est pas encore disponible (ce 17/01/21), un commentateur a déjà fait remarquer que des informations fausses sont rapportées dès le résumé (abstract): les auteurs s’attribuent indûment la paternité de la découverte des propriétés anti-virale et anti-inflammatoire de l’IVM.
UPDATE du 4/3/21: L’article a été rétracté par Frontiers! ↩︎